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Ferrari, la voiture qui « n’a rien à voir avec la piétaille »

Le Vif

Depuis peu séparé de l’empire automobile Fiat Chrysler (FCA), Ferrari a pour lui son image de marque, mais l’exploiter en développant d’autres produits à l’égal des maisons de luxe pourrait s’avérer long et ardu, préviennent des experts.

« Je pense que Ferrari peut désormais être mis dans la même catégorie des biens de luxe que ses pairs, les Hermès et les Prada du monde. Il ne faut pas voir Ferrari comme un constructeur automobile. Il n’a rien à voir avec la piétaille », a avancé son PDG Sergio Marchionne lors de l’introduction de la marque à Wall Street en octobre.

Mais l’action du cheval cabré, également entré le 4 janvier à la Bourse de Milan, a chuté de 21% depuis le début de sa cotation à New York. Et si les produits Fiat Chrysler seront en vedette cette semaine au salon de Detroit (nord), les bolides rouges ne feront pas le déplacement dans le Michigan, ciblant plutôt les riches Californiens.

Sur le papier, Ferrari affiche des résultats impressionnants: un chiffre d’affaires de 2,3 milliards d’euros pour seulement 7.300 voitures vendues, et une marge opérationnelle de quelque 14% en 2014.

Les Ferrari sont chères, à partir de 200.000 euros par voiture, mais jouissent d’une image de marque forgée depuis 1947 en compétition et ses modèles sont des « sculptures qui roulent, qui font de la belle musique et qui ne laissent jamais indifférent », résume Didier Griffe, président d’honneur du club Ferrari France.

« Ferrari est l’une des marques les plus puissantes au monde, tous secteurs confondus », renchérit Robert Haigh, responsable de la communication de « Brand Finance », qui publie chaque année un classement des marques influentes. Ferrari y est l’égal de Coca-Cola, Disney ou Rolex.

Le plan de marche de M. Marchionne est d’augmenter modérément la production annuelle, de 7.700 voitures en 2015 à quelque 9.000 à l’horizon 2019 afin de mieux servir de nouveaux marchés comme la Chine et le Moyen-Orient, mais aussi d’exploiter la marque dans d’autres domaines.

Volume contre exclusivité

« Mon engagement (…) est de faire grandir cette entreprise sans trahir ses valeurs et son histoire, mais dans le même temps sans en rester prisonniers », a affirmé M. Marchionne la semaine dernière. Hors de question de coller « un autocollant Ferrari sur un grille-pain ». Plus sérieusement, il a reconnu que réussir cette expansion constituerait « un exercice très difficile ».

Augmenter la vente de produits dérivés, montres, vêtements, maroquinerie, qui représenteraient aujourd’hui entre 10 et 20% du chiffre d’affaires de Ferrari, peut en effet s’avérer périlleux, prévient Bruce Clark, professeur de marketing à l’université Northeastern de Boston (Massachusetts).

« La saturation pourrait être un problème pour Ferrari, alors qu’ils insistent sur l’exclusivité », explique-t-il à l’AFP. Et même si les ventes de ces produits doublent, l’effet sera faible sur le chiffre d’affaires total.

« Il pourrait y avoir un conflit, parce que les sous-traitants gagnent de l’argent sur les volumes. Il faudra faire attention au contrôle de la qualité des produits. Et vous ne pouvez pas vous aliéner votre clientèle traditionnelle », énumère Jacqueline Kacen, spécialiste des marques et enseignante à l’université de Houston (Texas).

Ferrari dope déjà ses ventes en proposant à ses clients des options de personnalisation. « Si vous pouvez vendre une peinture spéciale à 10 ou 15.000 euros, il ne faut pas hésiter », souligne Ian Fletcher, analyste du secteur automobile chez IHS, en évoquant aussi la juteuse activité des services autour des voitures vendues à des particuliers mais utilisables seulement sur circuit.

Un parc d’attraction Ferrari sort du sol en Espagne, après celui d’Abou Dhabi. Toutefois, prévient Mme Kacen, « il est bien plus compliqué de réussir dans les services que dans les produits, en maintenant ce sens de luxe et d’exclusivité ».

Quoi qu’il arrive, « transformer Ferrari en marque de luxe va être difficile à cause de sa dépendance vis-à-vis de l’activité automobile » gourmande en capitaux, relève M. Clark. Pour lui, la stratégie peut fonctionner « seulement s’ils gagnent des courses, seulement si les voitures sont vraiment bonnes », alors que le dernier titre constructeur du « Cavallino Rampante » en Formule 1 remonte à 2008.

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